Retrouver le sauvage

 
 

Tout notre être n’est que nature, n’est qu’interaction avec la nature. Et cette nature que nous sommes a toutes les qualités du sauvage, terme dont avons perdu ou du moins galvaudé le sens. Car la définition du mot sauvage que donne nos dictionnaires repose largement sur ce qu’il n’est pas : sont dits sauvages un animal non-domestiqué, une plante non-cultivée, une terre inhabitée, une société non-civilisée, une personne non-éduquée, un comportement indiscipliné, une émotion incontrôlée, une pensée non-maîtrisée. 

Il est vital de nous reconnecter aux véritables qualités du sauvage, et de favoriser l’émergence et le développement de ces qualités qui se manifestent :

  • dans notre corps : vitalité, sensualité, sensibilité, instinct 
  • dans nos émotions : spontanéité, fluidité, intensité 
  • dans notre comportement : naturel, générosité, exubérance, autonomie et interdépendance, résistance à l’oppression, adaptation naturelle aux coutumes locales, indifférence aux normes « civilisées ».
  • dans notre caractère et notre psychisme : liberté, fierté, créativité, curiosité, ouverture, innocence, intuition, poésie
  • dans nos sociétés humaines : ancrage dans un territoire, solidarité, partage et mise en commun des ressources, prises de décision par consensus, résilience (adaptation aux changements), équilibre durable avec l’environnement naturel  
  • chez les plantes : exubérance et profusion, croissance et engendrement spontané, capacité à se transformer pour s’adapter aux changements du milieu
  • chez les animaux : capacité à évoluer et à s’organiser librement, à s’adapter au plus juste à l’environnement naturel, autorégulation
  • dans les écosystèmes naturels : auto-organisation, maintien de l’équilibre interne, diversité, résilience, interactivité, solidarité
  • dans un lieu : virginité intacte, beauté naturelle  
     

Il est possible que l’intensité de ce sauvage nous fasse peur, et que cette peur soit à l’origine du besoin qui caractérise notre civilisation occidentale de réprimer et de nier le sauvage en nous, et par ricochet, de maîtriser et de dominer la nature. 

Mais reconnaissons aussi en nous l’appel du sauvage, ce pressentiment de la beauté et de l’intensité de la vie qui aspire à se vivre en nous. 

Car il y a, tapi au plus profond de notre ventre, l’instinct du jaguar qui sommeille et qui attend d’être réveillé pour rugir la puissance de sa vitalité. 

Il y a, dans nos peaux, l’envie de toucher l’herbe et d’être touché par elle ; dans nos oreilles et dans nos os, le désir de vibrer avec le chant du merle ; dans notre nez, l’étonnement d’un parfum sans nom ; dans notre bouche, l’appel humide de la terre ; dans nos yeux, la caresse des verts du printemps ; dans nos mouvements, la danse du vent. 

Il y a, dans les cavernes de notre monde émotionnel, des rivières encombrées et stagnantes qui ne demandent qu’à être libérées et couler joyeusement vers l’océan. 

Il y a, dans les méandres de nos pensées, la mémoire encore vivace d’un langage d’avant les mots, un langage de ronronnements, de cris de détresse, de hoquets de surprise, de feulements de désir. 

Il y a, dans la cristallisation de nos egos, la réactivité du chien de garde qui défend son territoire. 

Il y a, dans la complexité de nos psychés, la créativité de la fourmi, la patience de la tortue, la détermination du bousier, l’abnégation de l’abeille, la confiance du bourgeon, la résilience de la forêt tropicale, la solidarité de la ruche. 

Il y a, flottant sur les torrents de notre âme, le rêve de l’épicéa qui s’élève et cherche sa voie vers la lumière. 

Il y a, dans l’espace de notre conscience, la présence silencieuse et unifiée de la montagne. 

(Extrait de mon livre  » S’unir au vivant « , paru chez Flammarion)

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