J’ai vécu le début de l’épidémie de Covid-19 comme une invitation à prendre soin de la vie : prudence pour les personnes les plus fragiles, précautions sanitaires puis confinement pour étaler la propagation du virus et éviter l’effondrement du système de soins, solidarité avec les soignants. C’est bien l’amour de la vie qui motivait les comportements et les décisions dans cette première phase, et pour beaucoup d’entre nous, le confinement a été une période propice pour revenir à l’essentiel, à ce qui rend la vie si précieuse et merveilleuse.
Aujourd’hui, cet élan de soutien au vivant a laissé la place à une ambiance dominée par la peur : peur de la maladie, peur du risque, peur de l’incertitude, et dans le fond, peur de la mort. L’élan salutaire de préservation du vivant s’est transformé en un figement mortifère fondé sur la peur, nous avons perdu le contact avec ce qui est l’essence même de la vie : l’imprévu, la vulnérabilité, la finitude, la mort. En nous coupant des aspects du vivant qui nous dérangent, nous perdons ce qui fait la saveur du vivant, nous troquons les chemins de haute voltige de la vie pour les routes balisées et mornes de la survie.
La peur de la mort n’est que la partie émergée d’une peur plus sournoise : la peur de la vie, la peur de vivre pleinement l’intensité de la vie dans ce qu’elle a de plus sauvage, de plus indomptée, de plus incontrôlable, de plus libre, de plus mystérieuse, de plus belle.
Intérieurement, c’est cette peur qui nous fait refouler au plus profond de nous les sensations les plus intenses, les émotions dérangeantes, les intuitions fulgurantes, et les élans spontanés de l’être. Extérieurement, cette même peur nous conduit à vouloir domestiquer, gérer et ultimement détruire la nature dont les aspects les plus sauvages nous dérangent.
La gestion mortifère de la crise sanitaire nous montre combien il est essentiel de renouer avec le vivant en nous. Dans mon nouveau livre « S’unir au vivant », paru chez Flammarion le 16 septembre 2020, je propose de multiples approches pour reconnaître et laisser toute la place au vivant en nous, en voici quelques unes :
- Retrouver l’intensité des sensations corporelles, sentir comment, par la respiration notamment, le vivant s’exprime en nous à chaque instant. A chaque inspiration, l’air rentre à l’intérieur du corps, l’oxygène vient nourrir les cellules. A chaque expiration, l’air sort du corps, et relâche du gaz carbonique qui à son tour va nourrir les plantes. L’attention à la respiration nous ramène à la réalité de notre corps vivant, bien vivant, en interaction permanente avec son environnement lui aussi vivant : à chaque instant, notre corps « conspire » avec la nature (étymologiquement, ils « respirent ensemble »). Au lieu de paniquer à la perspective d’une maladie qui viendrait nous empêcher de respirer, sentons comment, en réalité, instant après instant, je respire, je suis vivant.
- Vivre pleinement nos émotions : en particulier, n’ayons pas peur d’avoir peur ! Si je suis confronté à la maladie, pour moi-même ou pour un proche, je fais face à la peur, je ne la nie pas, je ne la laisse pas me paralyser, mais je viens sentir, avec curiosité quel est son effet dans mon corps : ce faisant, je pourrai sentir comment derrière la peur de mourir, il y a l’envie belle et puissante de vivre pleinement, intensément. (je vous invite à visionner une vidéo hilarante à ce sujet !)
- Exercer notre discernement : dans le déluge d’informations qui nous submerge concernant la COVID-19, utilisons les merveilleuses capacités de raisonnement dont la nature nous a noté, et qui sont elles aussi des manifestations du vivant : vérifions les sources des informations que nous recevons ; examinons si les études et les raisonnements qui nous sont présentés tiennent la route ; demandons-nous quels sont les intérêts sous-jacents ; traquons les fake news, et traquons aussi notre propension à n’entendre que les discours qui nous arrangent et qui vont dans le sens de nos croyances (les psychologues appellent ce biais cognitif le « biais de confirmation ») ; enfin, observons avec lucidité notre rapport à l’expertise et à l’autorité, que ce soit dans le sens de la soumission aveugle ou de la rébellion systématique.
- Accepter l’incertitude et le « Je ne sais pas ». Un sondage Ifop du 5 avril 2020 dans le Parisien Libéré demandait aux français s’ils pensaient que la chloroquine était efficace contre la COVID-19 : 59 % des sondés ont répondu « Oui », 20% ont répondu « Non », et seulement 21% ont répondu « Je ne sais pas » … alors qu’aucun scientifique à l’époque ne connaît la réponse à cette question ! Sachons reconnaître, avec lucidité et humilité, que nous ne savons pas tout, reconnaissons notre incompétence sur les domaines qui demandent de l’expertise, identifions et assouplissons nos certitudes, comme le propose la méditation ci-dessous , extraite de mon livre « S’unir au vivant ».
Merci ! Excellent article.
Très pertinent, le fait de reconnaitre ces certitudes. Je vais essayer d’assouplir mes réactions face aux racistes!
Merci Iléana, ensuite, assouplir ses certitudes ne signifie pas pour autant se priver du discernement et de la possibilité de lutter contre le racisme et autres comportements mortifères !